En achetant ce bien avec vue sur l’église saint-sulpice dans le 6e arrondissement parisien, les propriétaires, un couple de galeristes basé à Londres, ont fait appel au bureau turinois Marcante Testa pour rénover les lieux. Leur idée: en faire à la fois un espace d’exposition original et un pied-à-terre pour leurs séjours dans la capitale.
text: Sylvie Ulmann, photos: Carola Ripamonti
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les créations du bureau turinois Marcante Testa ne passent pas inaperçues. On reconnaît sa patte de loin, à son usage particulier de la couleur, à ses lignes douces. Et surtout à sa façon unique de s’inscrire dans le contexte, en totale symbiose avec l’esprit des lieux.
Son secret ? Pas question d’appliquer une recette toute faite, tout se joue au niveau de l’écoute : « En Italie, les architectes interviennent à l’intérieur comme à l’extérieur. Par conséquent, lorsque nous entamons un projet, nous nous intéressons à la structure de l’endroit, bien sûr, mais tout autant à son histoire et à son environnement. Ici, deux éléments nous semblaient incontournables: la proximité de la place Saint-Sulpice, avec l’église, ui est la deuxième plus importante de Paris, et sa fontaine. Ensuite, il y avait la structure de l’appartement, constitué d’une série de petites pieces dont une partie est orientée côté place, l’autre sur une arrière-cour un peu sombre », explique Andrea Marcante, cofondateur du bureau. S’ajoutent à cela le passé de cet arrondissement parisien, emblématique, avec la révolution de mai 1968, et bien évidemment les envies des maîtres d’ouvrage. Ce couple de galeristes basé à Londres a acquis ce bien à la fois pour disposer d’un pied-à-terre à Paris, ville d’origine de la propriétaire, et également pour en faire un lieu d’exposition. Il souhaitait en effet présenter des oeuvres d’art africain dans un cadre différent de celui, très formel, d’une galerie.
ENTRE TENSION ET DÉCALAGE
L’appartement a été repensé en deux ambiances. Côté place, il est tourné vers le dehors : au salon, une moulure a été retravaillée et mise en avant omme une oeuvre à part entière pour emmener e regard converger au-delà des murs, vers l’église Saint-Sulpice, vers l’extérieur, qui devient partie intégrante du décor. Les couleurs claires dominent, aisant presque oublier l’intérieur. Presque, car la paroi, habillée de tons sourds, où se love un canapé, ramène invariablement l’oeil vers le séjour.
«Dans un premier temps, nous pensions abattre cette paroi, mais c’était impossible. Nous avons ensuite conçu cette microarchitecture autour du meuble. Nous l’avons prolongée à angle droit de manière à abriter la salle à manger des regards », explique l’auteur des plans. Au plafond, une ouverture a été aménagée pour laisser circuler la lumière. On en retrouve une identique, comme en écho, dans la chambre à coucher. Celle-ci donne sur la cour intérieure, tout comme la cuisine et un espace bar. Ici, l’oeil est, à l’inverse, davantage invité à rester à l’intérieur : rideaux, teintes plus sombres, omniprésentes, utilisation de papier peint, tout est fait pour l’attirer, surtout la petite note décalée apportée par des touches bleu vif. Posées aux endroits les plus inattendus – interrupteurs, pompons ou couvre-lit réalisé sur mesure – elles nous interpellent et constituent en quelque sorte la signature de Marcante Testa. « Nous aimons venir chahuter une harmonie qui sinon serait trop parfaite. Ce qui est lisse n’est pas vivant », souligne Andrea Marcante. Instaurer des tensions anime un espace. Ainsi à la salle à manger, le marbre cohabite avec le laminé – un matériau emblématique des années 1970 – sur la table créée sur mesure par le bureau. Qui n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai dans le domaine: en juin, il présentait une série de tapis à la Design Week de Milan, pour la maison Carpet Edition.